La sécurité sociale de l'alimentation

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12/28/20247 min read

a basket filled with lots of different types of vegetables
a basket filled with lots of different types of vegetables

LE PROJET DE SÉCURITÉ SOCIALE DE L’ ALIMENTATION : LE GOUT DE L’ AVENIR

Face à l’alimentation industrialisée toxique pour la santé et la nature, les alternatives sont une niche économique pour public limité. Pourtant, elles sont bonnes pour la santé et la biodiversité. Sortir de cette dualité et placer la solidarité au centre d’un système alimentaire durable, équitable, démocratique : c’est le but de la sécurité sociale de l’alimentation. Financement, accès généralisé à une nourriture de qualité, soutien aux filières respectueuses de l’environnement: une révolution ! Les retombées bénéfiques sur le modèle de société sont innombrables, impliquant les citoyen·nes dans les orientations de la politique alimentaire. Ce n’est pas qu’une chimère : des projets pilotes sont mis en place, dans la vraie vie.

Dans un monde confronté à des défis sociaux, économiques et environnementaux croissants, l’alimentation émerge comme un élément central pour garantir la santé, la justice sociale et la durabilité écologique. Les inégalités alimentaires persistent, avec des millions de personnes souffrant de la faim tandis que d’autres font face à des problèmes de maladies chroniques. Parallèlement, les systèmes alimentaires industriels ont des impacts dévastateurs sur l’environnement, contribuant au changement climatique, à la perte de biodiversité, à la dégradation des sols et à l’injustice sociale. Face à ces enjeux, émerge une coalition d’acteurs et actrices engagées dans la transformation des systèmes alimentaires. Ils et elles portent un projet novateur dont l’essence réside dans une vision audacieuse pour repenser fondamentalement notre rapport à l’alimentation.

Cet article explore ce mouvement émergent et les perspectives de changement qu’il offre, en mettant l’accent sur la nécessité de repenser nos systèmes alimentaires pour les rendre plus justes, durables et résilients.

Origines et fondements de la sécurité sociale de l’alimentation

Force est de constater que le paysage alimentaire, autant en termes de discours sur l’alimentation que d’organisations concrètes sur le terrain, est polarisé entre d’un côté des grandes entreprises exportatrices, et de l’autre, des petites unités marginales. C’est ce qu’on appelle la « dualisation » du système alimentaire. Cette dualité n’est pas seulement économique, mais également géographique et sociale, reflétant les disparités de pouvoir et d’influence dans les systèmes alimentaires contemporains. Les grandes structures, bénéficiant de politiques favorables à l’international, tendent à dominer les marchés alimentaires, dictant souvent les choix et les normes. En revanche, les petites structures, bien que parfois innovantes et précurseures de modèles alternatifs, demeurent souvent en marge, incapables de rivaliser en termes de volume de production ou de distribution. Dans ce contexte, le concept d’alternatives « inoffensives » prend son sens. De manière un peu provocatrice, cette idée souligne la marginalité des alternatives alimentaires : elles sont une niche économique avec un public limité. Cette niche est peu concurrentielle en termes de prix et de pouvoir économique. Elle n’a que peu d’influence et mène parfois à des frustrations politiques. Elle représente une approche qui cherche à bousculer le statu quo en proposant des modèles alimentaires alternatifs qui préservent à la fois la santé des individus et celle de la planète. Ces alternatives intègrent les couts sociaux, environnementaux et sanitaires, qui sont, dans le système conventionnel, externalisés : c’est-à-dire que les profits sont privatisés, et que les dommages (malnutrition, pollution…) sont pris en charge par l’État. Elles reconnaissent la nécessité de repenser les systèmes alimentaires dans leur ensemble en mettant l’accent sur la durabilité, la diversité culturelle et la justice sociale. Elles préfigurent un système alimentaire à venir et remettent en question les pratiques agricoles intensives, les chaines d’approvisionnement mondialisées et les modes de consommation prédateurs, proposant à la place des solutions centrées sur la production locale, l’agroécologie, et la valorisation des savoirs traditionnels. Pourtant, elles doivent réussir à s’organiser pour peser dans les orientations du système alimentaire et sortir de l’impuissance politique. En intégrant ces notions dans le cadre de la sécurité sociale de l’alimentation (SSA), il devient clair que des actions individuelles, mais également des changements systémiques à grande échelle sont nécessaires. Cela implique de repenser les politiques agricoles, les systèmes de distribution et les modes de financement pour soutenir activement les initiatives locales et les pratiques durables – et vice-versa. Cela nécessite également une implication citoyenne proactive et une volonté politique forte pour faire face aux intérêts établis et transformer les systèmes alimentaires dans leur ensemble. La sécurité sociale de l’alimentation se propose d’articuler ces deux dimensions du changement social, en servant de catalyseur entre action de terrain et action institutionnelle.

Principes et mécanismes de la SSA

La proposition de SSA comme huitième branche de la sécurité sociale repose sur des principes et mécanismes visant à répondre à trois objectifs fondamentaux : augmenter le budget alimentaire des ménages, financer la transition des systèmes alimentaires et démocratiser le contrôle politique de l’alimentation. Pour concrétiser ces aspirations, la SSA se fonde sur trois piliers.

Premièrement, le financement proportionnel au revenu des personnes et/ou des entreprises est un principe fondamental de la sécurité sociale en général : « De chacun·e selon ses moyens à chacun·e selon ses besoins. » Basée sur le principe de solidarité et de redistribution des richesses, différentes sources contribuent à un pot commun, telles que les cotisations sur le travail et la participation de l’État via les impôts. L’objectif principal de ce mode de financement est de réduire les inégalités en assurant une contribution proportionnelle aux revenus de chacun et chacune, tout en renforçant la cohésion sociale.

Deuxièmement, la SSA s’engage à garantir un accès universel à l’alimentation en fournissant une allocation mensuelle de 150 euros par personne sous forme d’une carte alimentaire. Cette approche vise à assurer un minimum vital à tous et toutes.

Enfin, le troisième pilier de la SSA est le conventionnement des produits alimentaires. Ce processus implique la définition de critères démocratiquement élaborés, en concertation avec les parties prenantes, pour garantir que les aliments soutenus par la SSA répondent à des normes de durabilité, d’équité (prix juste) et de proximité. Ce conventionnement vise à encourager la transformation des systèmes alimentaires en favorisant la production locale, les circuits courts et les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.

En combinant ces trois piliers, la SSA aspire à créer un système alimentaire plus équitable, durable et démocratique, en alignement avec les principes de la sécurité sociale et les besoins fondamentaux des individus et de la planète.

Porteurs de la SSA et impact attendu

La sécurité sociale de l’alimentation bénéficie du soutien d’une alliance diversifiée d’acteur·ices, allant des gouvernements aux organisations non gouvernementales, des agriculteur·ices aux chercheur·ses, des entreprises alimentaires aux citoyen·nes engagé·es. Ensemble, ils et elles convergent vers un objectif commun : transformer les systèmes alimentaires existants, souvent marqués par des inégalités criantes, une insécurité alimentaire* persistante et une dégradation environnementale croissante.

L’impact potentiel de la SSA est vaste et multidimensionnel, s’articulant autour de quatre axes essentiels :

1. Transformation sociale : La SSA vise à créer une société plus équitable en garantissant un accès adéquat à une alimentation saine pour tous et toutes. En réduisant les disparités socio-économiques grâce à la cotisation proportionnelle au revenu alliée à la redistribution universelle en matière d’alimentation, elle contribue à renforcer le tissu social.

2. Transformation économique : En augmentant le budget alimentaire des ménages et en favorisant les circuits courts et durables, la SSA stimule l’économie locale et régionale. Elle encourage également l’innovation dans le secteur agricole en soutenant les pratiques respectueuses de l’environnement et les agriculteurs et agricultrices locales, tout en créant de nouvelles opportunités d’emploi dans les domaines de la production, de la transformation et de la distribution alimentaire.

3. Transformation écologique : La SSA promeut une alimentation plus durable et respectueuse de l’environnement en favorisant les produits locaux, biologiques et issus de pratiques agricoles durables. En réduisant la dépendance aux modes de production intensifs et en limitant les transports de marchandises sur de longues distances, elle contribue à réduire l’empreinte écologique de notre système alimentaire et à préserver les ressources naturelles pour les générations futures.

4. Transformation politique : En démocratisant le contrôle politique de l’alimentation, la SSA permet aux citoyen·nes de participer activement à la prise de décision concernant leur approvisionnement alimentaire. Elle favorise la transparence et la responsabilité dans les politiques alimentaires, tout en renforçant la souveraineté alimentaire* des nations et en réduisant la dépendance aux grands acteurs de l’agro-industrie.

Projets pilotes 

es projets pilotes ont été lancés pour expérimenter la mise en œuvre de la sécurité sociale de l’alimentation dans des contextes locaux. À Schaerbeek, par exemple, 70 bénéficiaires du CPAS ont reçu 150 euros par mois pendant un an pour effectuer leurs achats à la BEES coop (épicerie coopérative), dans le cadre d’une initiative visant à explorer les implications pratiques de la SSA. Cependant, il est impératif de poursuivre cette exploration à une échelle plus vaste et sur des périodes prolongées pour garantir la viabilité et l’efficacité de la SSA. En élargissant la portée de ces projets pilotes, touchant par exemple 10 % des personnes précaires et 1 % de la population générale sur un territoire donné, et en prolongeant la durée de mise en œuvre, il devient possible d’observer et d’évaluer de manière approfondie l’impact de la SSA sur les comportements alimentaires. Défis et perspectives futures La sécurité sociale de l’alimentation représente une proposition réaliste et concrète, portée par des initiatives locales et ancrée sur le terrain, visant à générer des transformations sociales, économiques et écologiques. Cependant, son succès dépend de plusieurs défis à relever. Tout d’abord, la capacité de la SSA à écouter les critiques et à intégrer les retours d’expériences sera cruciale. En effet, une approche inclusive et participative permettra d’identifier les lacunes et les améliorations nécessaires pour garantir l’efficacité et la légitimité de ce nouveau système alimentaire.

De plus, la SSA doit également lever les incertitudes qui entourent sa mise en œuvre. Il est indispensable de clarifier les mécanismes de financement, les modalités d’attribution des allocations alimentaires et les critères de conventionnement des produits. Cette transparence favorisera la confiance des citoyens et citoyennes et des acteurs et actrices économiques dans le fonctionnement de la SSA, tout en réduisant les risques d’opposition ou de désinformation. Face à ces défis, la mobilisation citoyenne et politique revêt une importance capitale. Les élections de 2024 offrent une opportunité unique pour les citoyens et citoyennes de faire entendre leur voix et d’influencer les politiques publiques en faveur de la SSA. En s’engageant dans ce processus démocratique, chacun et chacune peut contribuer à façonner l’avenir de notre alimentation et de notre société, en soutenant des initiatives telles que la SSA qui incarnent une vision audacieuse et inclusive pour un avenir plus juste et durable. La SSA représente non seulement une alternative viable, mais aussi un appel à l’action collective pour construire un système alimentaire plus équitable, résilient et respectueux de l’environnement.